ÉPISODE 23 :

"C'est bête, c'est vraiment un chic type Fernand.
– Ah."

Pourquoi c'est toujours dans ce genre de moments là que je sais même plus comment parler, que j'en oublie mes distractions et mes passions, mes histoires, mes blagues et même mon nom. J'ai alors une illumination, bim, un éclair de lucidité qui me traverse :

"Non mais je dis pas ça pour rien ! Tiens, l'autre jour, j'avais rien à faire de ma matinée, j'avais un rencard pour le boulot dans l'aprem. Je lui passe un coup de fil, devine ce qu'il me dit ?"

Je regarde Clémence, qui a les yeux ailleurs et ne semble pas m'écouter. Elle recroise mon regard, et alors de ses grands yeux ouverts remplis d'un intérêt soudain elle m'interroge :

"Il a dit quoi ?
– Il a dit, je cite : "ben t'as qu'à passer à l'appart', y'a du bourbon". Tu devineras que le job, je l'ai pas eu.
– Dingue. Un type pareil, c'est chaud quand même.
– C'est à dire ?
– Tu peux pas faire trop de trucs sérieux avec lui. Je veux dire : t'as des priorités dans la vie, quand même, non ? Si tu fais que te bourrer la gueule, tu fais plus rien d'autre, tu gâches un peu ta vie quoi."

Putain, elle était pas conne la gow, même si elle payait pas de mine. Je dis, souriant :

"Rappelle moi ce qu'on a fait mardi soir, déjà ?
– Ta gueule."

Elle me regarde avec un grand sourire, qui veut bien sûr dire tout sauf ta gueule. Vraiment pas conne la meuf, pas conne du tout. On est alors déjà dehors : j'ai même pas fait gaffe au fait que l'on soit passé à la caisse. C'est fou ce qu'on peut faire par automatisme.

Le "ding" de la porte automatique résonne derrière nous alors qu'on est dans la rue. Clémence sort son bonnet (avec écrit "déchiré" ou quelque chose dans le genre dessus) et le met précautionneusement sur son crâne, de telle sorte que sa chevelure reste impeccable, tout en ayant le bonnet parfaitement perpendiculaire à cette dernière. Je lui demande :

"On va où ?
– Chépa."

Hum.
Chez moi.
On mange dehors, dans un parc.

Hippopotame